Le site funéraire mis au jour par des chercheurs de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) à La Flotte, sur l’île de Ré, atteste de connexions jusqu’alors méconnues entre l’archipel charentais et le nord de l’Europe. Tel est le principal enseignement tiré de l’opération de fouilles qui a débuté sur place en décembre dernier.

Une cinquantaine de sépultures datant de la fin du VIII^e au XV^e siècles y ont été découvertes autour d’une chapelle qui pourrait être celle du prieuré Sainte-Eulalie, mentionné pour la première fois en 1156 avant d’être détruit quatre siècles plus tard. Outre 48 sépultures individuelles, les archéologues ont relevé sur place plusieurs ossuaires.

À LIRE AUSSI Une tribu cannibale préhistorique identifiée en AngleterreCinq tombes ont particulièrement retenu l’attention des scientifiques. Datant de l’époque carolingienne, elles se distinguent des autres par diverses caractéristiques : la position des corps, leur orientation et la présence d’objets inhabituels près des dépouilles. Trois individus sont dans une position peu commune : l’un est étendu sur le côté gauche et ses membres inférieurs fléchis, l’autre est allongé sur le ventre et le troisième est sur le dos mais ses membres sont repliés et surélevés.

Des objets inattendus

Le mobilier retrouvé englobe des parures, des vêtements et des objets personnels, ce qui conduit les archéologues à qualifier d’« habillées » ces sépultures. Parmi les pièces remarquables figurent deux peignes (en os ou bois de cervidés) dont l’un à décor géométrique évoque des parallèles avec des objets identifiés dans la région frisonne, aux Pays-Bas.

À LIRE AUSSI Pourquoi les archéologues s’invitent au fort BoyardDes colliers de perles en ambre, en verre, en os et en alliage cuivreux ont également été trouvés dans deux sépultures. Ces bijoux se rapprochent d’exemplaires bien connus dans l’ensemble du monde nordique. Ils sont datés du IX^e siècle. Des objets métalliques figuraient à leur côté. Ils comprennent notamment un couteau pivotant, dont un exemplaire semblable a été retrouvé dans le sud-est de l’Angleterre. Mais aussi une ceinture en alliage cuivreux (peut-être plaquée d’argent), présentant un décor évoquant lui aussi le monde anglo-saxon.

Origines anglaises ou vikings

« Ces découvertes sont uniques en France », soulignent Annie Bolle, responsable scientifique du chantier, et l’anthropologue Elsa Ciesielski. Ces caractéristiques poussent les scientifiques à envisager deux hypothèses : soit la présence d’une population d’origine étrangère au sein d’un cimetière local, soit l’existence de notables locaux affichant leur statut particulier jusque dans la mort.

Des analyses plus poussées, notamment génomiques et isotopiques, vont être conduites prochainement pour déterminer l’origine géographique et les liens familiaux éventuels entre ces individus. Cette découverte s’inscrit cependant dans un contexte historique connu, marqué par des raids vikings, nombreux autour de l’an 1000.

Les analyses se poursuivent

On sait que le site de La Flotte sert probablement de port d’échouage depuis l’Antiquité. Il apparaît désormais comme un témoin archéologique majeur des réseaux d’échanges entre le monde nordique et la façade atlantique française au haut Moyen Âge.À LIRE AUSSI Un million de dollars de récompense pour déchiffrer un mystérieux message

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Les objets découverts vont faire l’objet d’études approfondies au laboratoire Arc’antique, spécialisé dans la conservation et la restauration du patrimoine archéologique. Ces analyses permettront d’identifier l’origine des matériaux utilisés et de mieux cerner les matériaux textiles miraculeusement préservés sur certains objets.

Cette fouille, menée sur prescription de l’État (Drac Nouvelle-Aquitaine), apporte en tout cas un éclairage nouveau sur l’histoire maritime de l’île de Ré et ses connexions avec le nord de l’Europe au Moyen Âge.