À travers l’objectif de son appareil photo, Jorge Calle Londoño fait tout pour rendre visibles ceux qu’on nomme « les gens de la rue », les sans-abri. Avec son projet « Everyday Homeless », ce photographe et vidéaste sensibilise la société sur la pauvreté et la vulnérabilité à Medellin. Il fait ce qu’on appelle du « journalisme social », documenté par ses photos. Des actions sociales sont également organisées pour aider les habitants de la rue : distribution de nourriture, suivi psychologique, activités culturelles pour les enfants, sorties pédagogiques.
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De notre correspondant à Medellin,
C’est un travail de fourmi qu’il a débuté il ya plus de dix ans maintenant. Tout d’abord seul pour montrer une partie de son travail stocké dans un disque dur, puis petit à petit avec des confrères et des consommateurs. Avec le sourire et beaucoup de pédagogie, Jorge Calle Londoño raconte les débuts de ce projet photographique qu’il a nommé « Les sans-abri au quotidien ».
« Comme photographe documentaliste, j’ai longtemps travaillé avec des ONG et sur les problématiques sociales. Celle des gens de la rue m’a marqué. Et notamment à l’époque, car la politique de l’État était très répressive contre cette population. Il expulsait les gens de maison de consommation de drogue encadrées avec force et violence. L’attitude du gouvernement et de la police envers les sans-abri m’a choqué. »
Les premiers portraits sont alors publiés sur Instagram en 2019. Ils se mêlent au message : « Nous sommes tous des humains ». Certains incluent des interrogations telles : « Mendiant ? vagabond ? jetable ? sans-abri ? ». Le projet compte plus de 11 000 suiveurs.
Comme l’objectif est de changer la perception des gens de la rue, Jorge fait attention aux mots qu’il utilise. Pour lui et son collectifle discours et les mots sont les premières clefs du changement.
« Pour la plupart des gens, les sans-abri sont des délinquants, des drogués, des personnes « anti-esthétiques », car ils sentent mauvais et sont mal habillés. Ils deviennent invisibles. La majorité des gens veut les éloigner. Notre collectif veut donner une vision plus mature de la situation. Décider de ne plus voir les sans-abri parce qu’ils nous gênent, c’est réagir comme un enfant. On doit agir de manière plus mature. Ne plus les marginaliser, mais plutôt comprendre les raisons de leur vie dans la rue. »
Un travail ciblé sur les enfants de la rue
Jorge est originaire de Bogota, la capitale colombienne. Il est arrivé à Medellin dans les années 2000. Son père a travaillé dans une banque. Lors d’un braquage, Jorge et sa famille ont été pris en otage. Même si les agresseurs ont été arrêtés, ils ont décidé de s’éloigner. S’intéressant à la photographie, et après des études dans ce domaine, il arpente rapidement les rues de Medellin à la rencontre de « l’humain ». C’est ce qu’on appelle « ruejear ».
« On fait encore ça au moins une fois par mois pour faire un état des lieux et suivre aussi l’évolution de la situation des personnes que l’on connait. C’est dur, car les rues sont remplies de drogue et de violence. Il faut se dire que c’est comme si vous viviez dans une fosse de concert 24 heures sur 24 avec des coups, des disputes, de la peur et de la drogue. C’est insupportable. »
Avec son collectif, des ateliers et des cours sont offerts chaque mois à 120 enfants de la rue. Jorge explique qu’« en général, on commence à vivre dans la rue entre 15 et 25 ans. On a donc un groupe de 20 enfants qui ont entre 15 et 18 ans, chaque samedi, sur leur donne des cours de dessin, de photo, de vidéo, d’écriture et il y a aussi un atelier psychosocial pour les aider à faire face à la vie dans la rue. On leur parle de la violence, du comportement à adopter. Beaucoup vivent dans une chambre payée à la journée. C’est précaire. Et c’est une chambre par famille. Entre quatre ou cinq personnes y vivent. Et beaucoup d’entre eux ont quelqu’un qui vit dans la rue : le père, le frère ou l’oncle. »
Hausse du nombre des sans-abri depuis trois ans
Depuis cinq ans, le nombre d’« habitants de la rue » à Medellin ne cesse d’augmenter, notamment à cause des conséquences de la pandémie, de la hausse de la pauvreté et de l’afflux de migrants du Venezuela.
« On se protège, avec notre travail, de la violence, mais on garde la main sur le cœur. Je ne donne pas d’argent aux sans-abri, ça les pousse vers la drogue. Ni une pièce. Je préfère leur trouver des solutions pour améliorer leur vie. On est en train de monter un programme de cinéma en plein air pour les sans-abri et une campagne de financement participatif pour réunir plus de fonds et augmenter notre champ d’action. »
Selon le département national des statistiques colombien, le Danois, en 2021, 6 248 « habitants de la rue » ont été recensés : 87,6% sont des hommes et 12,4% des femmes. Mais, selon d’autres études, au cours des trois dernières années, le nombre de personnes vivantes dans la rue a augmenté de 150%, passant de 3 000 en 2019 à près de 8 000 en 2023.
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